Apprendre la psychothérapie

Je vous traduis ici la réponse de mon collègue Jon Frederickson, qui pratique et enseigne l’ISTDP, au commentaire d’une jeune thérapeute, Rebecca, sur sa page Facebook. Cet échange s’applique parfaitement à la Thérapie de la cohérence et à bien d’autres thérapies de la reconsolidation de la mémoire émotionnelle.

La thérapie doit-elle être si complexe et difficile à apprendre ?

«Je suis devenue thérapeute pendant la pandémie mondiale. Je trouve parfois ce travail si épuisant et pourtant une partie de moi continue d’y revenir en voulant l’apprendre. Quelqu’un d’autre a-t-il eu / a-t-il actuellement cette expérience ? J’ai ma propre lutte interne pour apprendre et utiliser cette thérapie complexe. Je pense que je me souviens aussi d’un cliché que mon père m’a dit : KISS : « keep it simple stupid. » Ce n’est probablement pas la façon la plus compatissante de le dire, mais je ne peux m’empêcher de ressentir un conflit interne dans cette thérapie pas si simple. (…) »

Merci à Rebecca d’avoir posé cette question !
Tout d’abord, les gens sont des êtres complexes et nous traitons un large éventail de conditions. Ainsi, aucun modèle simpliste ne fera l’affaire. Ce serait comme essayer d’être un jardinier qui ne sait qu’arroser les plantes… toute la journée. Les complexités de la condition humaine nécessitent une théorie et un modèle complexes, mais intégrés. Cela dit, apprendre n’importe quel modèle complexe est difficile. Et c’est difficile pour tous les experts à qui j’ai parlé. C’est certainement la chose la plus difficile que j’ai jamais apprise, et j’apprends encore !

Alors, rappelez-vous : devenir un très bon thérapeute demande beaucoup de temps, d’efforts, de supervision, de formation, de révision de vidéos et d’étude de lectures.
C’est ce qu’il faut pour devenir un expert dans n’importe quoi : beaucoup de travail acharné. 20% des thérapeutes obtiennent 80% des bons résultats. Entrer dans cette catégorie demandera du temps et des efforts comme dans n’importe quel domaine. Lorsque vous vous découragez, n’oubliez pas qu’il faut du temps et des efforts pour devenir un expert dans n’importe quoi.

L’idée de votre père de « garder ça simple, idiot » s’applique à certaines situations simples. Mais cela ne s’applique pas aux situations qui ne sont pas simples. Et les êtres humains sont souvent assez complexes. De plus, lorsque vous travaillez avec des systèmes complexes, vous devez toujours vous rappeler que si les principes de base sont simples (par exemple, adresser les défenses pour atteindre les sentiments), l’application de ces principes est presque toujours assez complexe. Ce que vous découvrez, c’est que le principe de votre père, bien que séduisant, ne fonctionne pas dans la réalité de la psychothérapie. En fait, cela ne fonctionne pas dans la plupart des situations s’il nie la complexité inhérente à l’application de principes simples.

Si c’était vraiment aussi simple, tous les thérapeutes obtiendraient des résultats fabuleux. En fait, 38% des thérapeutes n’obtiennent systématiquement aucun vrai résultat. 93 % de la supervision est inadéquate (note: Frederickson fait référence ici aux travaux qui ont été faits dans le domaine de l’expertise, de la supervision et de la pratique délibérée; pour en savoir plus cet article est un excellent point de départ). De toute évidence, le parcours pour devenir un thérapeute expert est difficile, complexe et difficile. C’est pourquoi cela demande un travail acharné, le développement de formes complexes de pensée clinique et une grande persévérance.

Malheureusement, notre formation universitaire présente la thérapie comme si c’était facile : lisez un livre, et vous pouvez le faire ! En conséquence, lorsque nous terminons nos études supérieures, la réalité nous frappe en plein visage.

1. Nous n’avons pas reçu une formation adéquate pendant nos études supérieures.

2. Ce n’est que maintenant que commence la véritable formation.

3. Devenir un thérapeute expert sera beaucoup plus difficile qu’on le croyait au départ.

4. Et notre apprentissage ne s’arrête pas à la fin du doctorat, mais, en fait, nous serons des apprenants perpétuels.

Alors rejoignez notre groupe : les perpétuels apprenants.
En tant qu’apprenants perpétuels, nous devrons avoir de la compassion envers nous-mêmes en tant que faiseurs d’erreurs. Et nous devrons développer la patience : la capacité de nous accepter tels que nous sommes avec notre niveau de compétence actuel. Si nous pouvons accepter ce niveau de compétence, nous pouvons voir où nous manquons d’habiletés et ensuite développer ces compétences manquantes.

Pensez à des experts dans d’autres domaines que vous admirez, peut-être dans le sport ou la musique. Ces experts ont pratiqué pendant des années. Ils ont bénéficié d’un coaching hebdomadaire, parfois quotidien, pour arriver là où ils sont. Il semble facile d’accomplir ce qu’ils font maintenant. Mais ils ont dû s’entraîner pour y arriver. Vous pouvez aussi devenir un expert si vous suivez leur exemple. Mais personne n’était un expert dès sa sortie de l’université. Et quand vous voyez ces athlètes ou musiciens, gardez à l’esprit que ce qu’ils font n’est pas si simple.

Harcèlement ou agression : le bon moment pour en parler ?

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Sous le choc d’un geste de harcèlement, d’intimidation ou d’agression ? Le besoin de sécurité est primordial et doit être respecté, que la victime dénonce ou non.

Comme bien d’entre vous, je suis témoin de l’afflux de dénonciations d’actes de harcèlement sexuel, d’inconduite sexuelle ou d’agression sexuelle qui déferlent en ce moment dans les médias et les médias sociaux. Par solidarité envers toutes les victimes qui brisent le silence, je ne peux que me réjouir de l’impact possible sur les victimes qui n’ont pas encore brisé le silence et se sentiront appuyées, comprises, écoutées et crues si elles dénoncent, et y trouveront peut-être le courage de passer à l’action.

Il est normal de ne pas réagir sur le coup

On parle beaucoup de lignes d’écoute et de protocoles de dénonciation en ce moment. Dans plusieurs des témoignages, un thème revient souvent. « Quand c’est arrivé, je n’ai pas eu le réflexe/le courage d’en parler. » On voudrait que ça change.

Je souhaite qu’on reconnaisse et normalise cet état. Ce n’est ni de la lâcheté ni du mutisme: c’est un état de choc. Lorsque quelqu’un pose un geste qui ne respecte pas notre intégrité physique ou psychologique, nous sommes tous décontenancés. Certaines personnes le ressentiront comme de la surprise, d’autres seront hébétés, d’autres se sentiront coupables, honteux, paniqués, en colère, etc. Mais d’abord et avant tout, il faut nommer et conscientiser que toutes les personnes dont on viole les frontières se sentent en danger.

Vous le trouverez dans tous les récits : les gens ont parfois repoussé leur agresseur, se sont enfuis, etc. Tout ça pour se retrouver aussi loin que possible de la source de l’agression et se retrouver en sécurité (même imaginaire). Je pense à un enfant victime de violence, par exemple, qui se réfugie dans sa chambre.

Et les gens qui ont paralysé dans ces moments ? Rappelons que la paralysie est l’une des réactions primitives devant le danger (i.e. faire le mort ou ne plus bouger pour ne pas être vu par le prédateur). La dissociation (ne plus être présent.e, ne plus sentir son corps) en est une forme plus intense. Là encore, il n’y a aucune lâcheté mais bien une réaction normale dans une situation hautement anormale.

Dans ces moments, il est parfaitement naturel de subvenir à notre besoin le plus primordial : nous retrouver loin du danger. L’état de choc peut durer de quelques heures à plusieurs semaines et le besoin demeure bien présent : rester en sécurité.

Les besoins des victimes

Les victimes ont tant de besoins différents, et des moyens tellement inégaux d’y répondre. On veut pousser les victimes à parler le plus rapidement possible. On veut que les agresseurs, les harceleur.euses, les intimidateur.trice.s se sentent surveillés, à découvert. Mais encore faut-il respecter le grand besoin de sécurité de leurs victimes. N’oublions pas que parler d’une agression, peu importe son intensité, c’est déclencher les sensations, les souvenirs, les émotions et cognitions qui sont associés à cette agression. Pour certains dont l’équilibre psychologique est compromis, ces expériences peuvent être très intenses. Il est donc important d’aider les victimes à trouver un espace (intérieur et extérieur) qui leur permette d’en parler de manière sécuritaire pour leur bien-être. Sans quoi le processus est tout aussi violent et traumatique que l’agression elle-même.

Vous qui écrivez #moi aussi ou pourriez le faire, n’ayez surtout pas peur de nommer vos besoins et de faire ce que vous pouvez pour rester en sécurité. Choisissez les personnes qui sont vraiment aptes à vous aider à conserver cette sensation. Allez chercher de l’aide professionnelle pour adresser vos réactions toutes personnelles envers les événements et leurs séquelles. Se regrouper à plusieurs pour dénoncer un.e agresseur, harceleur.euse, intimidateur.trice a le grand avantage de donner un pouvoir de groupe et un momentum pour passer à l’action.

Dans notre travail de psychologue ou de psychothérapeute, nous avons la possibilité d’explorer la signification des agressions et des abus de manière hautement spécifique et thérapeutique. Les mouvements collectifs n’ont pas ce luxe. Pousser une personne à faire ceci ou cela en lien avec son abus n’est pas toujours dans son meilleur intérêt. En bout de ligne, l’intégration de notre histoire spécifique, incluant le(s) épisode(s) d’abus, demeure une démarche qui ne pourra se faire qu’au niveau personnel.

La dénonciation, c’est très important. Que vous dénonciez ou non, votre bien-être et votre sentiment de valeur personnelle doivent rester une priorité. Vous seul.e pouvez veiller à ce qu’ils soient adressés et respectés.

Dre Sophie Côté est psychologue et se spécialise dans le traitement de l’anxiété et des difficultés liées au sentiment de valeur personnelle. N’hésitez pas à consulter notre site web pour plus d’information.

L’estime de soi : un but à atteindre ?

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L’estime de soi est l’une des raisons de consultation les plus courantes. Est-ce vraiment bon pour la santé psychologique ?

L’estime de soi est un terme que nous utilisons couramment. Après tout, elle a longtemps été considérée comme un but à atteindre et même comme un critère d’évaluation de la santé psychologique. Les professionnels s’appuyaient sur le fait que, lorsque l’estime de soi est élevée, la santé mentale est meilleure. Naturellement, on a conclut qu’en développant une haute estime de soi, on améliorerait la santé mentale. Malheureusement, on a aussi conclut qu’une estime de soi basse est aussi signe que quelque chose cloche.

Pendant environ 25 ans, à la toute fin du siècle dernier, le système de l’éducation a énormément misé sur le développement de l’estime de soi chez les jeunes. Beaucoup de lecteurs reconnaîtront là​​ leur cohorte. Les éducateurs – parents, professionnel – et les médias nous ont martelé encore et encore que nous étions beaux, bons et capables.

Et ça a marché ! Dre Kristin Neff, psychologue chercheur à l’université d’Austin au Texas, a mesuré le taux de narcissisme (estime de soi très élevée) chez les élèves du baccalauréat, sur plusieurs années. Elle a trouvé les taux les plus élevés jamais mesurés ! Ces dernières années, la tendance commence à peine à redescendre. Encore aujourd’hui, de nombreux clients me demandent d’intervenir pour qu’ils aient une estime personnelle plus élevée, pensant que leur niveau actuel n’est pas souhaitable. Pour comprendre pourquoi c’est un problème, il faut examiner la recette de l’estime de soi.

Si je veux ressentir une bonne estime de soi, je dois me considérer compétent.e et supérieur.e à la moyenne. Tout simplement ! Mais imaginez un peu… si tout le monde, à la recherche d’une estime de soi élevée, cherche à être au-dessus de la moyenne, en même temps. C’est statistiquement impossible ! Alors comment faire ? L’esprit humain, toujours aussi ingénieux, a trouvé deux moyens:

1. Se mentir à lui-même

Afin de protéger son sentiment d’estime, l’esprit déforme la réalité. Les statistiques sont amusantes. 85% des étudiants considèrent qu’ils ont de meilleures capacités relationnelles que leurs pairs, 94% des professeurs d’université s’estiment meilleurs que leurs collègues et 90% des automobilistes pensent qu’ils conduisent mieux que la moyenne… y compris ceux qui ont eu un accident récemment ! Nous nous pensons plus drôles, logiques, appréciés, beaux, gentils, dignes de confiance, sages et intelligents que nos semblables, et aussi plus lucides ! (source: Kristin Neff)

2. Rabaisser les autres

Bien qu’à ma connaissance, cela n’ait pas été formellement étudié, je suspecte que la hausse de comportements d’intimidation, tant à l’école qu’au travail, est l’un des impacts à long terme de l’emphase trop grande mise sur l’estime de soi dans notre société. Ainsi, je me compare continuellement à la verticale face aux autres. Je cultive le jugement et la médisance, simplement pour me rassurer que d’autres personnes sont inférieures à moi. Je rabaisse les autres dans mon estime… pour me remonter dans mon estime.

Outre les désavantages déjà évidents de déformer notre perception de nous-mêmes et des autres, il existe un autre désavantage importante à la recherche de l’estime de soi: les montagnes russes émotionnelles. Mon estime de soi élevée dépend totalement de mes succès. Impossible de la ressentir quand j’échoue ou que je fais une erreur ! Si je cherche à cultiver l’estime de soi, alors je vais constamment voir varier mon humeur au gré de mes succès et de mes échecs, toute la journée. Je vais devenir esclave de ma performance… et probablement entretenir des émotions comme l’anxiété de performance, la colère, le stress, la tristesse et la honte.

Heureusement, il existe une alternative !

L’auto-compassion !

hands-on-heart

Elle offre tous les avantages de l’estime de soi (bien-être, relation positive avec soi) sans les désavantages. Lorsque l’estime de soi est au rendez-vous après l’un de vos bons coups, profitez-en car c’est effectivement agréable de la ressentir ! Mais lorsqu’elle n’y est pas, l’auto-compassion vous attend, les bras grands ouverts.

Pour en savoir plus sur l’auto-compassion, vous pouvez consulter ces ressources ou encore venir en discuter avec moi!